Théodore de Bèze

 

 

 

Théodore de Bèze, né en 1519 à Vézelay en Bourgogne et mort en 1605 à Genève, est un théologien protestant.
Il naît à Vézelay dans une famille qui exploitait des mines d'argent. Son père, Pierre de Bèze, gouverneur royal de Vézelay, descendait d’une grande famille bourguignonne ; sa mère, Marie Bourdelot, était connue pour sa générosité. L’oncle de Théodore l’emmena à Paris pour qu’il y soit instruit. De Paris, Théodore fut envoyé à Orléans en décembre 1528 pour jouir de l’instruction du célèbre humaniste allemand Melchior Wolmar.

Le jeune Théodore de Bèze suivit bientôt son maître à Bourges, où l’avait appelé la duchesse Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier. Bourges était en France un des endroits où soufflait le plus fort le vent de la Réformation. Quand, en 1534, François Ier publia son décret contre les innovations dans l’Église, Wolmar retourna en Allemagne tandis que, conformément au désir de son père, Bèze revenait à Orléans pour étudier le droit. Il y passa quatre ans (1535-1539). Cette voie avait peu d’attrait pour lui ; il préférait la lecture des classiques de l’Antiquité, particulièrement Ovide, Catulle et Tibulle. Il fut reçu licencié en droit le 11 août 1539 et, comme son père le désirait, alla à Paris où il commença la pratique. Ses parents avaient obtenu pour lui deux bénéfices dont les revenus s’élevaient à 700 couronnes d’or par an ; et son oncle avait promis de faire de lui son successeur.

À Paris, Bèze passa deux années heureuses et acquit bientôt une position en vue dans des cercles littéraires. Pour échapper aux tentations nombreuses auxquelles il était exposé, il se fiança en 1544 à une jeune fille d’origine modeste, Claudine Denoese, en promettant de rendre cet engagement public dès que les circonstances le permettraient. Il publia un recueil de poésies latines, Juvenilia, qui le rendit célèbre et il fut partout regardé comme un des meilleurs auteurs de poésie latine de son temps.

Mais il tomba malade et, dans sa détresse physique, se révélèrent à lui ses besoins spirituels. Peu à peu, il vint à la connaissance du salut en Christ, qu’il accepta avec une foi joyeuse. Il résolut alors de trancher les liens qui le rattachaient au monde et se rendit à Genève, ville qui était un refuge pour les évangéliques. Il y arriva avec Claudine le 23 octobre 1548.
Il fut chaleureusement accueilli par Calvin, qui l’avait déjà rencontré chez Wolmar et il se maria tout de suite à l’église, publiquement et solennellement. Comme Bèze ne voyait pas comment s’occuper tout de suite, il prit le chemin de Tübingen pour y voir son ancien maître Wolmar. En cours de route, à Lausanne, il rendit visite à Pierre Viret, qui le retint immédiatement et le fit nommer professeur de grec à l’Académie de la ville (novembre 1549).


Malgré le lourd travail qui lui incombait, Bèze trouva le temps d’écrire un drame biblique, Abraham sacrifiant publié à Genève en 1550). En juin 1551, il ajouta quelques psaumes à ceux que Marot avait déjà commencés à traduire en français et qui connaissaient aussi beaucoup de succès.
Bèze s’impliqua à cette époque de deux contreverses sérieuses. La première concernait la doctrine de la prédestination et la controverse de Calvin contre Jérome-Hermès Bolsec. La seconde parlait de l’exécution sur le bûcher de Michel Servet à Genève, le 27 octobre 1553. Pour défendre Calvin et les magistrats genevois, Bèze publia en 1554 De haereticis a civili magistratu puniendis.


En 1557, Bèze s’intéressa spécialement aux vaudois que l’on persécutait dans le Piémont. Pour les défendre il se rendit, accompagné de Guillaume Farel, à Berne, Zurich, Bâle, Schaffhouse ; de là à Strasbourg, Montbéliard, Baden et Göppingen. Dans ces deux dernières villes, on leur demanda de préciser clairement leurs positions sur les sacrements par rapport à celles des vaudois, ce qu’ils firent le 14 mai 1557. Leur déclaration, bien reçue par les théologiens luthériens, fut nettement condamnée à Berne et à Zurich.
À l’automne 1557, Bèze entreprit un deuxième voyage avec Farel, à Worms via Strasbourg pour demander l’aide des princes de l’empire ralliés à l’Évangile en faveur des frères de Paris qu’on persécutait. Avec Melanchthon et d’autres théologiens rassemblés alors à Worms, Bèze suggéra une union de tous les protestants, mais cette proposition fut catégoriquement rejetée par Zurich et Berne. Sur de faux rapports, selon lesquels les persécutions contre les huguenots avaient cessé en France, les princes allemands n’envoyèrent aucune ambassade à la cour de Henri II et Bèze dut continuer son entreprise, allant avec Farel, Jean Buddaeus et Gaspard Carmel à Strasbourg et Francfort, où l’envoi d’une ambassade à Paris fut résolu.
De retour à genève, il occupa  la chaire de grec à l’Académie.


Les choses avaient pris en France une tournure telle que, pour le protestantisme, l’avenir semblait prometteur. Cédant aux insistances de nobles évangéliques, le roi Antoine de Navarre fit savoir qu’il serait heureux d’entendre un des maîtres éminents de l’Église. On invita Bèze au château de Nérac ; il était un noble français et à la tête de l’Académie dans la métropole du protestantisme de langue française, mais il ne parvint pas à convertir le roi.


L’année suivante (1561), Bèze représenta les Évangéliques au colloque de Poissy et où il défendit éloquemment les principes de leur foi. Le colloque n’eut pas de résultats mais Bèze, considéré comme le chef et le porte-parole de toutes les communautés réformées de France, se vit à la fois adulé et détesté. La reine insista pour qu’on organisât un autre colloque, qui s’ouvrit à Saint-Germain le 28 janvier 1562, onze jours après la proclamation du célèbre décret de janvier qui accordait aux Réformés des privilèges importants. Cependant, le colloque fut interrompu quand il devint évident, après le massacre de Wassy du 1er mars, que le parti catholique se préparait à abattre le protestantisme.
Bèze publia à la hâte une circulaire (le 25 mars) à toutes les congrégations réformées de l’empire et, avec Condé et ses troupes, se rendit à Orléans. Il était nécessaire d’agir avec rapidité et énergie, mais il n’y avait ni soldats, ni argent. À la demande de Condé, Bèze visita toutes les villes protestantes pour en obtenir. Il écrivit aussi un manifeste où il montrait le bon droit de la cause réformée. Pour obtenir des troupes et des fonds parmi ses coreligionnaires, Bèze fut chargé de visiter l’Angleterre, l’Allemagne et la Suisse. Il alla à Strasbourg et Bâle, mais sans succès. Il revint alors à Genève, où il arriva le 4 septembre. Il n’y était pas depuis deux semaines qu’il fut appelé encore une fois à Orléans par d’Andelot. En février 1563, il est à Caen, alors aux mains de l'amiral Gaspard de Coligny, et il prêche dans l'église Saint-Jean un sermon sur « l'utilité de l'argent, qui est nerf de la guerre »1. La campagne pour le protestantisme devenait plus heureuse ; mais la publication du malheureux décret de pacification que Condé avait accepté (12 mars 1563) remplit d’horreur Bèze et tout le protestantisme français.
Après vingt-deux mois d’absence, Bèze retourne à Genève. Calvin et Bèze se chargèrent d’effectuer leurs fonctions de concert et à tour de rôle chaque semaine, mais bientôt Calvin mourut (27 mai 1564) et Bèze devint tout naturellement son successeur.


Comme successeur de Calvin, Bèze eut beaucoup de succès, non seulement en continuant le travail de son prédécesseur mais également en préservant la paix dans l’Église de Genève. Les magistrats s’étaient entièrement approprié les idées de Calvin et la direction des affaires spirituelles, dont les organes étaient les « ministres de la Parole » et « le consistoire », fut établie sur une base solide. Aucune polémique doctrinale ne surgit après 1564. Les discussions concernèrent des questions à caractère pratique, social, ou ecclésiastique, comme la suprématie des magistrats sur les pasteurs, la liberté dans la prédication et l’obligation faite aux pasteurs de se soumettre à la majorité de la compagnie des pasteurs.
Son activité était grande. Il jouait le rôle d’intermédiaire entre la compagnie et les magistrats et ces derniers demandaient continuellement ses conseils même dans des questions de politique. Il correspondait avec tous les chefs du parti réformé en Europe. Après le massacre de la Saint-Barthélemy (1572), il usa de son influence pour que les réfugiés reçussent bon accueil à Genève.


En 1574 il écrivit son De jure magistratuum (Les limites fixées aux pouvoirs du souverain), où il protestait solennellement contre la tyrannie en matière de religion et soutenait qu’il est légitime pour un peuple de s’opposer activement à un gouvernement indigne et, au besoin, de recourir aux armes pour le renverser.
Sans être un grand dogmaticien comme son maître, ni un génie créateur dans le domaine ecclésiastique, Bèze possédait des qualités qui le rendirent célèbre comme humaniste, comme exégète, comme orateur et comme chef, dans les affaires religieuses et politiques, et le qualifiaient pour être le guide des calvinistes dans toute l’Europe. Dans les diverses polémiques où il fut impliqué, Bèze manifesta souvent un caractère excessif par son irritabilité et son intolérance ; Bernardino Ochino, pasteur du rassemblement italien à Zurich (à cause d’un traité qui contenait quelques points répréhensibles sur la polygamie), et Sébastien Castellion à Bâle (à cause de ses traductions de la Bible en latin et en français) l’ont appris à leurs dépens.
Par la suite, l’activité de Bèze se restreignit de plus en plus à ses affaires domestiques. Claudine, sa fidèle épouse, était morte sans enfants en 1588. Sur le conseil de ses amis, il contracta un deuxième mariage avec Catharina del Piano, une veuve génoise, afin qu’elle lui vînt en aide dans ses dernières années. Il jouit d’une excellente santé jusqu’à soixante-cinq ans, mais on remarqua ensuite que sa vitalité baissait peu à peu. Il continua cependant à enseigner jusqu’en janvier 1597.


Dans ses vieux jours il eut la tristesse de voir le roi Henri IV se convertir au catholicisme, malgré les exhortations qu’il lui adressa (1593). Malgré la bizarrerie du fait, on doit signaler qu’en 1596 les Jésuites firent courir le bruit en Allemagne, en France, en Angleterre et en Italie que Bèze et l’Église de Genève étaient revenus à la foi de Rome, et Bèze répondit par une satire où l’on voyait qu’il n’avait rien perdu de l’ardeur de sa pensée et de la force de son expression.
Il mourut à Genève et on ne l’enterra pas, comme Calvin, au cimetière général, à Plainpalais (car les Savoyards avaient menacé d’enlever son corps et de l’amener à Rome), mais à la Direction des Magistrats, au monastère Saint-Pierre.

 

 

 

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